Cela faisait un moment que Miu avait repris connaissance. Elle gardait les yeux fermés, analysant les bruits, les odeurs autour d’elle. Elle sentait la délicatesse des draps propres sur elle, savourant le doux confort d’un oreiller moelleux. Il y avait quelqu’un près d’elle. Elle sentait sa présence, et elle entendait de temps à autres un bruissement de feuilles qu’on tournait.
La mémoire lui revint peu à peu. Elle se rappelait clairement de son évanouissement, et elle revoyait vaguement un visage, un visage aux cheveux blonds. Le type du café. Elle était quasiment sûre qu’il s’agissait de lui. Elle entendait parfois des bruits de pas lointains, et il régnait autour d’elle une odeur médicamenteuse désagréable. Si elle se refusait à ouvrir les yeux, c’était par peur de ne savoir quoi dire, et de se retrouver une fois de plus dans cette position de faiblesse qu’elle haïssait tant. Elle avait opté pour la lâcheté : elle attendrait qu’il s’en aille pour s’éveiller.
Le temps passa, et le léger froissement des pages tournées était toujours présent. Prenant son courage à deux mains, elle risqua un coup d’œil discret vers le jeune homme, histoire de vérifier qu’elle ne s’était pas trompée. La luminosité ambiante l’aveugla, mais elle reconnut sans peine sa chevelure dépassant de son manga.
Elle referma les yeux aussitôt, croyant avoir été invisible.
« Je peux partir, si je te gêne » avait prononcé le jeune homme ; et Miu sentit son sang se glacer instantanément.
Elle ouvrit les yeux pour de bon et tourna la tête vers lui, malgré sa faiblesse toujours présente.
Elle n’osa pas répondre. « Je l’ai vexé », se dit-elle.
Il la regarda par-dessus son manga. Il sembla hésiter une seconde, puis se leva. Il commença à marcher vers la sortie, d’un pas lent et mesuré.
« Merci », lui dit-elle.
Cela eut l’effet escompté : il s’arrêta, se tourna vers elle, mal à l’aise.
« Allez, je sais que c’est ce que tu voulais, que je te remercie », pensa Miu.
Il lui sembla un moment qu’il avait entendu sa pensée.
Il souriait mystérieusement, le regard fixé sur les yeux sombres de la jeune femme…